Le marché des bureaux d’Île-de-France connaît une situation de blocage inédite. L’activité est réduite du fait de la propagation du Covid-19 et des mesures de confinement qui touchent le pays. Déjà, des crises ont secoué l’immobilier de bureaux par le passé. Mais la pandémie en cours, et les restrictions de déplacement qui imposent de repenser les modes de travail, pourrait avoir des conséquences encore plus profondes. C’est l’analyse que livre Knight Frank France dans son étude « Covid-19, quelles conséquences sur le marché des bureaux d’île-de-France ? [i] ».
Ces crises qui ont (déjà) secoué l’immobilier de bureaux
C’était il y a 20 ans. Au début de l’an 2000, la « bulle » Internet éclatait, puis les attentats du 11 septembre venaient toucher les consciences, et entrainer des phénomènes de repli partout dans le monde. Le krach-boursier de 2000-2002 a entaché la croissance : le CAC 40 perdait 21,9 % en 2001 et 33,75 % en 2002. Le PIB français augmentait péniblement de 0,8 % en 2003, avant de rebondir en 2004 (+ 2,8 %). Ces événements globalisés ont eu un impact sur le marché des bureaux d’Île-de-France. Ce dernier avait atteint un record avec près de 2,7 millions de m² de bureaux loués ou vendus en 2000. « Les volumes placés avaient ensuite chuté de 35 % entre 2000 et 2001, puis de 15 % entre 2001 et 2002. Sur l’ensemble de la période, la consommation de surfaces de bureaux a diminué de près de 45 % » peut-on apprendre dans l’étude de Knight Frank France.
A la fin des années 2000, rebelote avec la crise financière et la crise de la dette souveraine en Europe. Le PIB recule de 2,9% en 2009 et l’immobilier de bureau tremble encore : les 2,85 millions de m² loués ou vendus en 2006 semblent bien loin en 2009 avec 1,85 million de m² placés soit une chute de 35 %.
A Paris, dans le Quartier central des affaires, ces crises ont eu un effet direct sur le loyer moyen. La chute la plus brutale fut enregistrée entre 2001 et 2002 (-14%) soit 80 €/m²/an. Le point bas est atteint en 2004, avec un loyer moyen pour Paris QCA qui atteint alors 475 €/m²/an. En 2019, afin que la pandémie de Covid-19 ne frappe pas encore, le loyer moyen atteignait un plus haut historique (690 €/m²/an). Un point haut, qui va inévitablement reculer.
Face à une reprise incertaine, la nécessité de trouver des alternatives
Comment vont évoluer et la demande et les niveaux des loyers ? L’incertitude est grande. Après -25% en janvier, puis -21% en février et -63% en mars, la demande placée suit une tendance baissière. « Sur le marché locatif, cette tendance était déjà amorcée principalement sur les grandes transactions, c’est-à-dire les surfaces de plus de 5 000 m² » décrypte Gaël Thomas, directeur de la rédaction de Business Immo à l’antenne de BFM Business[ii]. Mais le phénomène se généralise.
Le redémarrage de la machine économique pourrait être assez lent après la levée des mesures de distanciation sociale. Quand le confinement va prendre fin, allons-nous retrouver notre « vie d’avant ». Déjà, entrepreneurs comme leaders politiques parlent du monde d’après.
Le télétravail, largement expérimenté pendant le confinement, peut-il devenir la norme ou tendre à se développer massivement au point de réduire le besoin en surface des entreprises ? « Il va y avoir des choix dans les directions immobilières pour rationaliser les mètres carrés, car c’est une source de coût fixe qu’il va falloir réduire explique Virginie Grolleau, journaliste chez Challenges. Mais cela reste important d’avoir des équipes qui travaillent ensemble, qui se voient et se parlent. Je suis donc nuancée sur le télétravail d’autant qu’en Île-de-France on ne peut pas dire que les logements soient spacieux. Chacun ne peut pas ajouter un bureau supplémentaire chez soi. Ce qui va être intéressant à regarder, c’est l’attitude des entreprises à l’égard des espaces de coworking ».
Le grand changement qui se profile pour l’immobilier de bureaux est le passage d’un besoin quantitatif à un besoin toujours plus qualitatif. Moins de mètres carrés, mais des mètres carrés plus utiles ? Dans cette logique, la location de bureaux partagés dans un espace de coworking est une idée, qui peut venir compléter le mix immobilier des entreprises. Un tiers-lieu pour offrir aux collaborateurs un éventail agile d’espaces ? La tendance devrait aller en ce sens.
[i] https://content.knightfrank.com/research/1948/documents/fr/covid-19-quelles-consequences-sur-le-marche-didf-mars-2020-7075.pdf
[ii] https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-club-bfm-immo-22-comment-le-marche-de-l-immobilier-de-bureau-traverse-t-il-la-crise-0804-1237455.html